Les formes d’expressions littéraires et artistiques maghrébines oscillent entre imitation, création et recréation. Quelle que soit l’œuvre produite, elle est à la fois le reflet de son créateur et la représentation de son environnement socioculturel. Ainsi, par exemple, la production littéraire devient-elle un espace où plusieurs écritures s’entremêlent et la mission de l’écrivain n’est que de redire ce qui est déjà dit en pensant que :

« Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent »

Jean de la Bruyère, Les Caractères : 1696

Le Maghreb colonisé puis indépendant est la terre de prédilection de l’acculturation. Herskovits, Linton et Redfield la définissent comme « l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes » (Alexandrine Brami, « L’acculturation : étude d’un concept », Idées économiques et sociales, n°121, Octobre 2000, p.55). L’expression littéraire et artistique maghrébine cultive donc un immense paradoxe : si le fond tente de traduire le point de vue des colonisés, de défendre les cultures nationales, et de rejeter la domination occidentale, les formes peinent à s’émanciper ; et si plusieurs auteurs se sont tournés vers l’Histoire ou vers l’autobiographie pour délivrer un témoignage authentique et intime au sujet de leurs sociétés, c’est pour combler les vides laissés par la littérature coloniale à leur sujet. Ce paradoxe impose donc une réécriture : de l’Histoire du Maghreb, de ses sociétés, de ses individus. C’est ce que Nadia Ghalem et Christiane Ndiaye appellent « le réalisme ethnographique » (« Le Maghreb », Introduction aux littératures francophones : Afrique · Caraïbe · Maghreb. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004)

En évoquant la « réécriture », la référence à Bakhtine et au concept de la polyphonie est fondamentale. En effet, selon lui, l’œuvre n’exprime pas seulement la pensée du sujet parlant, mais elle met en scène plusieurs voix en même temps. Par conséquent, la réflexion sur cette thématique pourrait porter sur les voix qui sous-tendent toute forme de création (ou recréation) qu’elle soit littéraire ou artistique. Par ailleurs, le terme réécriture nous fait penser directement aux relations intertextuelles et à Philippe Sollers qui précise que, « tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur » (Théorie d’ensemble, textes réunis par Ph.Sollers, Seuil, 1971, p.75).

L’étude de la réécriture dépasse l’univers textuel, elle ouvre les portes vers d’autres sémiologies. Nous parlons surtout des adaptations  cinématographiques, des liens entre la peinture, la musique, l’architecture et la littérature. L’écrivain exprime par le biais de l’écriture son attachement spirituel vers une autre œuvre artistique comme les écrivains cinéastes qui ont usé le matériau littéraire au service du langage cinématographique.

Cette analyse nous mène à dire que la réécriture est une reproduction qui répond à un besoin de redire, de s’exprimer, de critiquer mais surtout de partager ce qui plaît à un lecteur déguisé en créateur. Cette tentative d’imitation met en question la subjectivité et l’originalité de l’écrivain. Elle peut passer inaperçue si le récepteur n’arrive pas à dévoiler les influences et les interférences entre les œuvres produites.

Pour aborder largement la thématique de la réécriture, il est intéressant d’explorer plusieurs axes ayant trait aux relations possibles entre les différents domaines artistiques et littéraires, c’est-à-dire qu’on devrait prendre en considération l’ouverture de la littérature sur la musique, le théâtre, le cinéma, la peinture, etc. Cette réflexion nous invite à nous interroger sur les procédés et les outils  de reprise des propos d’autrui, allant de la simple citation en passant par le pastiche, la parodie, et jusqu’à l’ironie et la caricature la plus complexe.

Quelques axes de réflexion

Les interventions s’interrogeront sur la réécriture dans la littérature et l’art en mettant l’accent sur la littérature maghrébine et le dialogue entre les arts et les discours qui permettent de redire et de reproduire ce qui est déjà dit et produit. Voici donc une liste non exhaustive des axes de réflexion proposés :

  • Réécriture et intertextualité
  • Réécriture et perfection
  • Réécriture et adaptation cinématographique
  • Réécriture et subjectivité.   
  • Transposition et analyse génétique

Dates à retenir

Dernier délai pour  la réception des propositions de communication : le 15 mars 2022.

Réponses aux participant.e.s : le 30 mars 2022 à envoyer : fatmasalah254@yahoo.fr et farhatsyrine05@gmail.com

Responsables de l’événement

  • Mohamed Anis Abrougui
  • Syrine Farhat
  • Fatma Salah

Comité d’organisation

  • Bessem Aloui
  • Wajdi Belgacem
  • Rym Ben Tanfous
  • Souad Bouhouche
  • Wijdène Bousleh
  • Hatem Krimi

Comité scientifique

  • Moufida Bannour
  • Mohamed Bouattour
  • Mokhtar Farhat
  • Houda Hamadi
  • Mongi Madini
  • Saïd Mosbah
  • Chokri Rhibi
  • Habib Salha
  • Mustapha Trabelsi

Références bibliographiques

  • Alemdjrodo Kangni, 2001, Rachid Boudjedra, la passion de l’intertexte, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux.
  • Bakhtine Mikhaïl., 1978, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard.
  • Bencheikh Jamel Eddine, 1975, Poétique arabe, Essai sur les voies d’une création, Anthropos.
  • Bonn Charles, 1988, « Le roman maghrébin de langue française », in Magazine littéraire, Écrivains arabes d’aujourd’hui, n° 251, mars, p. 34.
  • Bonn Charles, 1988, Lecture présente de Mohammed Dib, Alger, Entreprise nationale du Livre.
  • Brunel Pierre, Chevrel Yves (dir.), 1989, Précis de littérature comparée, Paris, PUF.
  • Chasseguet-Smirgel Janine, 1971, Pour une psychanalyse de l’art et de la créativité, Paris, Payot.
  • Chikhi Beïda, 1989, Problématique de l’écriture dans l’œuvre romanesque de Mohamed Dib, Alger, OPU.
  • Chikhi Beïda, 1996, Maghreb en texte. Écriture, histoire, savoirs et symboliques, L’Harmattan.
  • Eliade Mircea, 1969, Le mythe de l’éternel retour, Archétypes et répétition, Paris, Gallimard (coll. Folio/Essais).
  • Gafaïti Hafid, (dir.), 2000, Rachid Boudjedra, une poétique de la subversion, II. Lectures critiques, Paris, L’Harmattan.
  • Genette Gérard., 1982, Palimpsestes, la littérature au second degré, Paris, Seuil.
  • Khatibi Abdelkebir, 1979, Le roman maghrébin, Société marocaine des éditeurs réunis, Rabat.
  • Kristeva Julia, 1967, « Le mot, le dialogue, le roman », in Critique, avril.
  • Lacan Jacques, 1949, Le Stade du miroir comme formation de la fonction de Je, essai lu au XVIe Congrès international de psychanalyse, Zurich, juillet, repris dans Écrits 1, Paris, Seuil, 1966.
  • Longuet Patrick, 1995, Lire Claude Simon, la polyphonie du monde, coll. « critique », Paris, Minuit.
  • Machery Pierre., 1974, Pour une théorie de la production littéraire, Paris, Maspero.
  • Masson Céline, 2001, L’angoisse et la création, Essai sur la matière, Paris, L’Harmattan.
  • Rifaterre Michael., 1980, « La trace de l’intertexte », in La Pensée, n° 215, octobre.
  • Rifaterre Michael., 1981, « L’intertexte inconnu », in Littérature, n° 41, février.
  • Sartre Jean-Paul, 1940, L’imaginaire, Paris, Gallimard, (1986 pour la présente édition).
  • Zumthor Paul., 1981, « Intertextualité et mouvance », in Littérature, n° 41, février.